INAUGURATION DES PLAQUES COMMÉMORATIVES DU LYCÉE SAINT-CRICQ

Inauguration des plaques commémoratives de Saint-Cricq, en hommage aux anciens élèves morts pour la France au titre de la Première Guerre Mondiale :

C’est le « monument aux morts » de notre lycée qui vient d’être inauguré ce 9 novembre 2018. Une cérémonie a eu lieu, en présence de nombreux invités, pour l’aboutissement d’un travail qui a commencé en 2016. Ce projet pédagogique s’inscrit dans les commémorations du Centenaire de la première guerre mondiale.

Il y a cent ans, la guerre laissait derrière elle un champ de ruines, des terres dévastées, mais surtout des victimes : combattants, mais aussi civils, blessés ou morts. Plus de 11 millions de personnes ont perdu la vie en lien avec ce conflit, si l’on tient compte du génocide arménien. En France, 1,4 million d’hommes essentiellement, mais aussi des femmes, ont péri. Ce fut la guerre la plus meurtrière de l’époque contemporaine pour notre pays.

Après la guerre, le 11-novembre est rapidement (en 1922) institué en jour de commémoration nationale, et les villes, les villages de France, bâtissent des « monuments aux morts ». Les établissements scolaires ne sont pas en reste. Beaucoup ont vu se réaliser des projets commémoratifs pour rendre hommage à leurs anciens élèves morts pour la France.

A St-Cricq, rien de tel. Il n’y avait pas de « monument aux morts ». Pourquoi ? Personne, aujourd’hui à St-Cricq en tout cas, n’en sait rien : c’est ainsi, c’est tout ; cela pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une recherche. Mais, il y a trois ans maintenant, une découverte a rendu possible la réalisation du projet. Dans le cadre des célébrations du centenaire de la première guerre mondiale (comme quoi il y a bien un « effet centenaire »), M. Sénèque recherchait des archives de l’époque, et préparait des élèves à un voyage à Verdun. Mme Veyssade, qui travaille toujours parmi nous à l’administration, a littéralement « exhumé » des anciens registres archivés dans les caves de notre établissement, et m’en a fait part. Ces registres exceptionnels ont donc été un véritable trésor (de guerre?), qui ont donné la possibilité de retracer le parcours d’anciens élèves et de chercher si certains étaient tombés au champ d’honneur. Les premières vérifications ont été concluantes, et le projet a pris corps.

Ce sont donc les élèves de la 1ère6 de 2016-2017 qui ont ainsi recherché les anciens élèves de St-Cricq morts pour la France. A l’époque, St-Cricq était une « école primaire supérieure et professionnelle », c’est-à-dire qu’on y entrait après le certificat d’études primaires à 13 ans environ, et si l’on suivait le cursus jusqu’au bout (ce qui était rare), on en sortait à 17 ans avec un certificat supplémentaire, voire le brevet d’études ou le brevet supérieur. Tous les anciens élèves de St-Circq morts pour la France ont donc connu une courte vie professionnelle avant d’être mobilisés ou de s’engager. A propos de cette page d’histoire de notre établissement, l’Amicale des Anciens et notamment M. Enjaume, doivent être remerciés, pour leur travail de recherche historique, qui  a permis de gagner un temps considérable.

Le travail a aussi été grandement facilité par l’entreprise colossale réalisée en France dans le cadre du Centenaire de la guerre. La plupart des archives militaires ont été numérisées, mises en ligne, et des sites web remarquables ont été bâtis, améliorés. C’est ainsi qu’avec les archives des registres matricules militaires, et le site « Mémoire des Hommes », qui recense toutes les victimes françaises de cette guerre, les élèves et moi-même avons pu constituer une liste de 111 noms.

Tous figurent déjà sur des monuments, dans leurs villages, leurs villes, ou d’autres lieux plus particuliers. Beaucoup sont tombés avec le fameux 18e RI de Pau, ou faisaient partie d’autres régiments régionaux commémorés au Chemin des Dames. Dans l’immense majorité, ce sont des combattants « ordinaires », aucun n’a dépassé le grade de capitaine, beaucoup étaient dans l’infanterie ou l’artillerie. Un seul sort du lot, par son prestige : Charles Vincent Macé. Une rue de Pau rend déjà hommage à ce pilote, as de l’aviation française, qui s’est tué peu après l’armistice lors d’un exercice, alors qu’il n’était pas encore démobilisé.

Une fois le travail d’investigation terminé, il a fallu penser à la réalisation concrète d’une sorte de monument aux morts. Quelques rapides demandes de devis ont montré le coût excessif d’une forme classique en marbre ou en gravure, et cette page d’histoire du lycée fut provisoirement refermée, avec un rapport sur le voyage des 1e6 à Verdun, qui contenait, dans ses dernières pages, une liste des anciens élèves morts pour la France. C’est lors d’un stage en tant que professeur principal de seconde que M. Sénèque a découvert le lycée de Gélos : cet établissement possède une machine capable de « sabler » sur du verre, et l’avis favorable de la direction a permis de relancer le projet. Et là, merveille : le devis était à nouveau abordable, et grâce au Souvenir Français, qui doit lui aussi être remercié, la réalisation des plaques a pu être financée. Merci donc également aux élèves du lycée de Gélos, à l’équipe de direction, et leur professeur qui les a encadrés.

Mais, finalement, pourquoi un tel monument ? il ne s’agit pas de « rendre justice » à ces personnes : là où ils sont, ils n’ont certainement que faire de notre démarche. On fait de l’histoire pour le présent : afin d’entrer dans le « travail de mémoire » plutôt que le devoir de mémoire comme Paul Ricoeur aimait à le dire (et comme M. Lagy le dit toujours). Ces plaques ont donc un but pédagogique avant tout. Ainsi, les élèves actuels de St-Cricq, pourront prendre conscience, qu’ici même, leurs prédécesseurs, ont vécu, travaillé, exerçant le métier d’élève, avant d’être happés par la guerre. Nous qui sommes loin des immenses cimetières et des vestiges des tranchées, nous prenons ainsi conscience, que ce conflit a frappé aussi les lieux mêmes où nous vivons.

Cela fait bientôt 100 ans que la Grande Guerre est finie. Le 11-novembre est aujourd’hui un jour de commémoration, en hommage aux victimes françaises de toutes les guerres, et non plus seulement la 1ère guerre mondiale. Puissent ces modestes plaques, et les travaux qu’elles ont nécessités, ou  qu’elles vont générer, contribuer à enraciner le désir de paix dans les cœurs de ceux qui auront été à l’ouvrage, comme de ceux qui les liront.

Mais il y a aussi encore des questions à travailler, sur le fond. Cette liste de 111 noms est-elle complète ? Nous ne pouvons en être absolument certains. Un historien local vient récemment de retrouver de nombreuses victimes béarnaises non présentes sur les monuments de la région. Il faudrait lancer un travail, fastidieux, de vérification, pour de nombreux élèves de St-Cricq pour lesquels on n’a pas d’information. Le site Mémoire des Hommes est notre référence la plus complète et la plus sûre, mais peut-être y a-t-il quelques manques. Cette liste de noms pourra servir à lancer d’autres travaux plus précis, ou sur d’autres aspects, concernant l’histoire de notre établissement. Par exemple, nous n’avons rien encore pour les professeurs de St-Cricq, pour le personnel, et bien entendu, il restera à faire la recherche pour la 2ème guerre mondiale (attendra-t-on le centenaire ?)…

Monsieur SENEQUE, professeur d’histoire géographie